LONGHAÏ
Après la toile, avec sa fragilité et sa texture qui «
boit » les couleurs et les retient dans sa fibre végétale, Longhaï se
laisse séduire par deux inspirations nouvelles, l’acier comme support
et la Tunisie pour la brillance de ses couleurs et l’intensité de ses
contrastes.
L’acier semble l’amuser et
l’intriguer, le côté miroir du métal lui renvoie, alors qu’il peint, sa
propre image et le mouvement de ses pinceaux. Ce dédoublement de la
personne et du geste crée une distance et un trouble intéressant entre
l’homme, l’artiste et l’œuvre en création.
Plusieurs
artistes, peintres et photographes ont dans les années 1980, utilisé ce
support rigide, poli, qui a la particularité de renvoyer les couleurs
avec une brillance métallique et donne au tableau un côté
industrialo-artistique, très temps-modernes.
La luminosité
tunisienne éclate dans ses nouvelles œuvres, comme chez Macke et les
autres artistes qui se sont nourris de la méditerranée et de ses «
fureurs chromatiques ». L’éclat des couleurs l’éclabousse comme une
révélation. Il y a dans sa création, plus de mouvements, plus
d’énergie, plus de liberté, les petits coups d’aplats de son pinceau
qui nous sont familiers tourbillonnent comme une mer déchainée.
La
lumière est présente dans toutes ses gammes de couleurs, du blanc au
noir en passant par les gris et dans toutes les taches si nombreuses de
rouge, de jaune et de ce bleu éblouissant, qui scandent la composition.
Les copeaux de bois éparpillés sur l’acier, étincellent d’or et
rappellent les grands miroirs dorés à l’or fin qui décorent les palais
orientaux. Longhaï a définitivement rencontré l’Orient qui comme le
disait Paul Klee est : « Un concentré de mille et une nuits, comportant
99 pour cent de réalités.»
Des silhouettes
et des visages imprécis apparaissent sur ses aciers, femmes graciles,
fragiles, flottantes, en apesanteur sur les strates colorées, délivrées
d’un long sommeil, libres et joyeuses. L’euphorie des couleurs de la
Tunisie passe de ses yeux à la pointe de ses pinceaux et donne à cette
nouvelle série une fantaisie, une liberté, une joie de vivre qui
feront, j’en suis persuadée, à tout jamais partie de l’âme de Longhaï.
Leila Souissi
Critique d’Art